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Certains s’imaginent qu’aimer inconditionnellement est un vrai supplice de tantale qui doit les conduire, à l’image d’un saint, à tout accepter, à tout supporter.  Ainsi ces accros de l’amour  fou sortent lessivés de chacune de leurs relations. Comble du paradoxe, qu’ils aient été humiliés, bafoués et rejetés, ils en redemandent ! Comme si l’illusion, à laquelle ils se rattachent, est plus forte  que tout autre considération.

„ Pour beaucoup d'humains, la liberté des autres est l'ennemi de leur survie.“

- Jacques Attali -

Halte, arrêtons tout de suite ce massacre ! 

Qu'on se le dise, aimer inconditionnellement n’a rien à voir avec ce spectacle pathétique. Aimer inconditionnellement exige avant tout d’avoir un certain amour propre. Celui qui est pourvu, d’un tant soit peu d’estime personnelle, n’apprécie ni les marchés de dupes, ni les paniers de crabes.  C’est justement cette lucidité qui lui permet d’ailleurs d’aimer inconditionnellement les personnes avec lesquelles il n’a, par ailleurs, aucune envie particulière de frayer. 

Est-il agréable de se voir sans cesse rabrouer ou injurier ?
Est-il amusant de devoir constamment éviter les crocs-en jambes ?

Ceux qui répondent non à  ces questions doivent se rendre immédiatement compte, qu’à moins d’avoir de fortes tendances masochistes, toute personne qui a la tête sur les épaules aura tendance à exécrer ce genre de situation.m Replacées dans le contexte de l’aliénation parentale, ces actions délétères sont d’autant plus inacceptables qu’elles sont effectuées par des proches.
Faut-il donc s’y plier pour avoir une chance d’avoir un rapport décent avec vos enfants aliénés, sachant, d’autre part, qu’ils sont les premiers à suivre l’exemple du parent qui veut vous exclure de leur vie ?
La réponse est bien sûr un non catégorique. Un « non » formulé, non pas par fierté personnelle ou par le sentiment d’avoir subi une humiliation irréparable, mais plutôt par respect de ses propres principes, qui exigent notamment de pouvoir aimer inconditionnellement. Parce que le vrai amour inconditionnel est une vraie sinécure. En d’autres termes, il est bon pour la santé !

Or, comment aimer de cette manière, si l’on devient la proie des quolibets, si l’on se transforme en bouc émissaire à abattre ?
A l’impossible nul n’est tenu. La première fonction de l’amour propre est d’accepter nos limites. Paradoxalement, c’est cette reconnaissance douloureuse de notre propre impuissance à changer le cours des choses qui va devenir  notre meilleur atout, pour gérer une situation d’aliénation parentale.

En acquérant une saine distanciation du problème, le parent mis sur la touche, préservera aussi bien son auto-estime que son énergie. Il n’en faut pas plus pour pouvoir aimer inconditionnellement, car ceux qui ont tendance à le  faire  souffrir, lorsqu’il s’approche d’eux, ne sont désormais plus en condition d’émettre   leurs ondes négatives.  

Le problème n’est certes pas résolu, mais en étant dans un premier temps contourné, d’autres perspectives s’ouvrent, dont celle de s’occuper des personnes qui en valent vraiment la peine.    

Attention ! Il ne s’agit pas de démissionner ou  de rejeter ces personnes, qui lui sont insupportables, mais au contraire de bien saisir leurs motivations profondes, de bien comprendre leurs problèmes particuliers.  Cette empathie est nécessaire pour continuer de les aimer inconditionnellement. Face à eux, en comparaison à leur triste sort,  il est essentiel d’apprécier à sa juste valeur, non seulement  le fait d’avoir échappé à la peste émotionnelle de l’aliénation parentale, mais aussi de se retrouver libre, au-dessus de la mêlée.  Il s’agit de privilèges, de véritables dons du ciel, qu’il faut savoir accueillir avec reconnaissance et humilité.  

En plus de permettre une régénération de l’amour inconditionnel, un autre effet  positif de cette sage distanciation est de permettre un desserrement de l’étreinte aliénante subie par l’enfant.  Le parent qui l’utilisait comme un pion sur un échiquier, afin  de renforcer sa position, ne se sent plus poussé dans ses derniers retranchements. L’enfant n’est plus manipulé, dans le seul but de prendre parti dans un conflit parental.  La distanciation offre également la possibilité au parent aliénant d’envisager une reconsidération du problème, ou du moins, dans une première phase, la possibilité de nouer d’autres alliances, avec des intervenants moins polarisés sur la nécessité de faire taire définitivement le parent écarté.  Il n’est par ailleurs pas exclu que ce parent, campant habituellement de manière  intransigeante sur ses positions, découvre d’autres raisons de vivre. Tant qu’il se sentait menacé, son attention était entièrement dévolue à la défense de la forteresse qu’il avait érigée.

S’il ne ressent  plus le besoin de se barricader, de nouvelles opportunités se présentent.

Néanmoins, il serait  illusoire d’attendre qu’il baisse la garde, pour s’engouffrer dans la brèche. N’oublions pas que l’aliénation parentale est l’aboutissement d’un processus mental, qui conduit un parent à s’accrocher pathologiquement à ses enfants, tout ceci pour sauvegarder son amour propre. C’est à ce niveau qu’une amélioration doit intervenir, afin de rendre possible une saine collaboration entre les parents.

Il est essentiel que le parent exclu ne se limite pas à aimer inconditionnellement ses enfants, mais  qu’il adopte la même attitude envers son ex-conjoint, afin qu’il puisse vraiment se réaliser en tant qu’individu indépendant, sans crainte de représailles de sa part.  Il est donc fort louable que le parent aliénant pense à refaire sa vie, à reconstruire une relation de confiance avec un autre partenaire, et qu’il puisse accomplir son vœu sans subir des interférences de son ex, et pourquoi pas,  même avec son soutien moral.

Le parent exclu doit, quant à lui,  travailler sur ses peurs conscientes ou inconscientes. Sur son ressentiment, sur sa jalousie,  et  peut-être aussi  sur son secret désir de récupérer un conjoint qu’il n’a jamais cessé d’aimer, ou du moins le pense-t-il.  Quelle que soit l’issue d’une nouvelle relation sentimentale du parent aliénant sur l’état du parent exclu, elle ne peut que lui être favorable.  En aucun cas, ces nouvelles perspectives ne  doivent être préjudiciables à l’amour inconditionnel, tant salutaire et indispensable.

Deux situations se présentent couramment.

Le parent aliénant trouve un conjoint équilibré  qui sait le réconforter et l’aide à s’épanouir. Cette personne se préoccupera naturellement de l’autre parent  mis sur la touche. Il y a donc peu de chances que ce nouveau conjoint veuille prendre la place du père ou de la mère qu’assumait le parent absent.  Par conséquent, il fera en sorte de trouver des arrangements afin de permettre son intervention et son implication dans la vie de ses enfants.

La seconde possibilité ci-dessous est moins encourageante, mais n’est pas obligatoirement ingérable, si  le parent exclu sait comment s’y prendre. 

Le parent aliénant trouve un conjoint plutôt problématique, qui va vouloir remplacer le parent absent. Il est d’ailleurs encouragé par le parent aliéné, dès les premiers contacts avec les enfants, à se faire appeler « maman » ou « papa » par eux.   Dans le contexte de  l’aliénation parentale,  ce type de mère ou de père substitutif, a généralement des problèmes de personnalité, plus ou moins marqués, qui vont nécessairement avoir une incidence directe sur la qualité de la relation, non seulement entre les conjoints du nouveau couple formé, mais aussi du parent écarté et de ses enfants.  Il n’est pas du tout exclu dans ces conditions que la possibilité de s’occuper de l’enfant aliéné, de la part du parent écarté,  s’amenuise encore plus,  ou carrément que le couple recomposé disparaisse dans la nature sans laisser de traces. L’aliénation parentale débouche très souvent sur des enlèvements d’enfants qui sont déplacés, contre leur gré, sur un autre continent, hors de portée du parent écarté.

Mais même dans ces cas extrêmes, il ne faut pas désespérer, car l’enfant vivant sous l’emprise d’un parent perturbé aura tôt ou tard son mot à dire. Dans la plupart des cas, il ressent le besoin de se libérer d’une étreinte étouffante qui l’empêche de se réaliser, comme individu à part entière. Les différents événements qu’il vivra après avoir quitté le parent aliénant lui permettront de faire la part des choses et de former son jugement. L’attrait d’une vraie relation, basée sur la confiance et le respect réciproque, sera  toujours plus fort que la perspective de revivre ce qu’il a vécu.

Aimer et se faire aimer inconditionnellement est un objectif qui subsiste, même après des années d’aliénation.