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Lors de conflits parentaux, les témoignages sont très souvent à sens unique. D’une part, parce que les protagonistes concernés ne sont pas toujours consultés, et d’autre part, en raison de la difficulté d’évaluer la véracité des allégations fournies par chacun.

Il est toujours regrettable de se baser sur les déclarations d’une seule personne pour dresser un diagnostic définitif sur l’état d’une famille. Émettre un jugement négatif et définitif sur un parent, dans la plupart des cas absent ou exclu, sans que toutes les preuves de sa culpabilité soient apportées, risque d’avoir une incidence non négligeable sur le développement des enfants impliqués, contre leur gré, dans ces situations conflictuelles.

Les classifications réductrices, les stéréotypes, la misogynie et la misandrie sont le reflet d’une tendance aveugle à chercher des boucs émissaires commodes. Ces cibles endossent toute la responsabilité de l’insatisfaction personnelle de parents, hommes ou femmes, et ensuite de leurs enfants bien obligés de s’aligner sur de tels modèles. Le phénomène du bouc émissaire, ou en d’autres termes de la « victime expiatoire », qui paye pour tous les maux du monde est en nette recrudescence dans la société actuelle.

La réalité n’est toutefois pas aussi simpliste. Des raisons multiples existent dans une société privilégiant la compétition et la course effrénée à la consommation, pour qu’une famille se trouve prise dans un engrenage générant son lot de frustrations et de déceptions.

„ C'est à celui qui domine sur les esprits par la force de la vérité, non à ceux qui font des esclaves par la violence, c'est à celui qui connaît l'univers, non à ceux qui le défigurent, que nous devons nos respects.“

- François Marie Arouet -

Selon Nancy, Pierre est un père peu présent dont le seul but est de nuire à la mère de son enfant, c’est-à-dire elle-même.

Pierre passe de longs mois sans voir sa fille. Il attribue cet état à la mauvaise volonté de Nancy. Il veut diminuer la pension alimentaire. Nancy l’accuse d’être un manipulateur qui file le parfait amour avec une autre femme.

Mireille veut quitter la région parisienne et faire modifier les droits de visite, car Damien, le père de sa fille, n’a jamais voulu assumer ses responsabilités de père.

Damien dit que Mireille le met devant le fait accompli, et qu’elle utilise leur enfant comme une paire de menottes. Il ajoute que Mireille ne parle jamais de lui à leur fille ou alors en des termes peu flatteurs, ce qui explique selon lui les très mauvais rapports qu’il entretient avec les deux.

Le vrai papa de cœur de Mathias, le fils de Pénélope, est José, le premier mari de sa maman, et non Luc le père biologique. José est le meilleur ami de Mathias, alors que Luc est considéré comme un individu sournois et violent. Pénélope est très satisfaite que son fils ait finalement un référent masculin sur qui compter. Alors que chaque contact avec Luc est une source de dépit et d’écœurement. Elle ne peut tout simplement plus le cadrer. Elle est même terrorisée à la seule idée de le croiser dans la rue. C’est la raison pour laquelle elle doit prendre des précautions et être protégée par quelqu’un qui puisse prévenir les dérapages de Luc.

Luc ne voit pas les choses de cette manière. Pénélope le trompait alors qu’ils étaient encore mariés. Elle ne cessait de lui reprocher son manque d’ambition et la condition modeste de sa famille. Dès la naissance de leur fils, elle s’est éloignée de lui. Elle n’a rien trouvé de mieux que de se réconcilier avec son ex-mari, qu’elle avait pourtant traité de tous les noms d’oiseaux lors de leur procédure de divorce. Luc a le sentiment de s’être fait piéger par une femme égocentrique, sans aucune empathie pour les autres, et en particulier pour son fils, dont elle a selon lui totalement lavé le cerveau, au point qu’il ne veut plus entendre parler de son père.

Axel est un fantôme. Chloé affirme qu’il peut rester des années sans se manifester. Il ne téléphone jamais. Il ne vient pas aux réunions de parents d’élèves. Il ne verse pas de pension alimentaire. Comment ses enfants pourraient-ils l’aimer ?

Axel prétend devoir affronter les crises de Chloé. Elle l’injurie, le traite de bon à rien et lui boucle le téléphone au nez. Axel se considère une personne pacifique et conciliante. Malgré ses difficultés économiques, il est toujours disposé à consacrer du temps à ses enfants. Ce que refuse de lui accorder Chloé, juste pour le punir d’avoir refait sa vie avec une autre femme.

Selena est à bout de nerfs. Elle s’occupe seule de la petite. Noah, son ex-mari, lui rend la vie impossible avec ses procédures continuelles. Il l’accuse de non-présentation d'enfant malgré une décision de justice, alors que c’est lui qui sabote toutes les prises de contact de Selena.

Noah se dit injustement persécuté. Il n’a pas vu sa fille depuis 2 ans. Selena a refait sa vie avec un autre homme qui se fait appelé « papa » par leur fille. Il vit une humiliation quotidienne. Il est remonté contre le système médico-social incapable de sanctionner de tels abus. Selena a répandu des calomnies sur son compte afin de justifier son exclusion.

Qui dit vrai ?

Nancy ou Pierre ? Mireille ou Damien ? Pénélope ou Luc ? Chloé ou Axel ? Séléna ou Noah ?

Bien malin celui qui pourrait se prononcer sans faire d’erreur de jugement. Certes on ne peut pas exclure qu’un des parents accusateurs soit dans le vrai et qu’il vive vraiment un enfer avec un ex-conjoint particulièrement retors. Mais comment faire la différence entre la vérité et des affirmations mensongères ?
Visiblement seule une enquête approfondie permettrait de lever tous les doutes. Par ailleurs, nous ne pouvons négliger l’hypothèse que, dans certains cas, la responsabilité des parents soit entièrement partagée. Là encore, seule une analyse exhaustive de chaque situation permettrait de se prononcer avec plus de certitude.

Quoi qu'il en soit, ces situations mettent en évidence la nécessité d’une approche systémique où les dimensions humaines et sociales ne sont pas traitées indépendamment.

D’autre part, les parents privilégiant des solutions axées sur la conciliation et l’apaisement devraient voir leurs efforts récompensés, car ce sont en définitive eux les seuls modèles dignes d’être suivis dans les situations de divorce très polarisées.